Comptes de la Poste 2019 - Les postier·e·s dans la tourmente.
27/02/2020Aujourd’hui étaient présentés au Conseil d’administration de La Poste les résultats des comptes 2019. Alors que La Poste va voir son actionnaire majoritaire changer, que la Cour des Comptes vient de rendre un avis très à charge sur la distribution du courrier et que la sous-traitance du colis est régulièrement épinglée pour ses infractions au droit du travail. La direction économique de l’entreprise publique sonne comme une caisse de résonance du désengagement de l’état dans le service public.
Depuis plusieurs années, les comptes de l’entreprise masquent ses difficultés. Des difficultés cachées par des achats dopant la croissance externe, elles sont aussi atténuées par la revente de l’immobilier.
En 2019 si le chiffre d’affaires est en progression de 5 %, le Résultat d’exploitation est en recul de 0,3 %. Les résultats organiques de l’entreprise ne sont pas bons : toutes les branches subissent un recul dont celui significatif de la BSCC à 20 % (GEOPOST -3,9 %).
Cette année encore le courrier subit des difficultés importantes que cela soit sur le chiffre d’affaires ou le résultat d’exploitation. Coïncidence ou pas, c’est le moment que la Cour des Comptes choisit pour sortir un rapport à charge.
Malgré l’indépendance dont elle aime se parer, la Cour a une fâcheuse tendance à rendre des rapports sur La Poste que l’on croirait issus de la communication institutionnelle de l’opérateur public. À la baisse des volumes du courrier, la numérisation des échanges, l’augmentation des adresses individuelles, la Cour des Comptes répond hausse des tarifs, baisse des effectifs, suppression d’un jour de distribution par semaine ou encore suppression de boites aux lettres de quartiers. Elle déplore la baisse des volumes de courrier, vieille antienne, pour mieux pointer les “ coûts fixes” : les facteurs. Mais il n’y a aucune réflexion sur les besoins en emplois du secteur du colis dont la forte croissance est très largement sous-traitée par La Poste.
On relèvera aussi quelques états d’âme sur les risques psycho sociaux des facteurs confrontés aux réorganisations incessantes, repris dans la réponse du gouvernement. Le procès France Télécom est passé par là et doit faire réfléchir toutes les parties prenantes d’une stratégie qui a vu 100 000 emplois disparaître en 10 ans à La Poste.
Côté Réseau et Services Financiers, La Poste n’a pas besoin des conseils de la Cour des Comptes. Le contrat de présence postale signé au début de l’année donnait déjà de mauvais signes quant au maintien d’un service public postal de qualité pour toutes et tous et partout. La Poste a bataillé ferme pour contourner l’avis du conseil municipal sur les transformations de bureaux (réduction d’horaires d’ouverture, partenariats...). Et elle a encore une fois réussi son pari, l’avis du maire suffira et encore pas pour tous les projets. D’ailleurs, on peut douter de la considération de La Poste pour les maires quand une brochure interne sur la déontologie en fait d’eux/elles des corrupteurs potentiels. Résultat, un réseau postal déclinant et orienté de plus en plus vers la diminution du cash dans les bureaux par les suppressions de guichets. La décision de demander l’origine des fonds dès le 1er euro, lors de chaque dépôt d’espèce sur un compte va mécaniquement faire baisser la fréquentation des guichets au profit des automates sous couvert de lutte contre le blanchiment d’argent. Une démarche que les usagers n’apprécient pas du tout comme en témoigne le compte twitter #labanquepostale.
Que dire de la hausse des frais bancaires (presque 40 % d’augmentation par exemple pour les rejets de prélèvements), de la mise en place de services payants alors qu’ils étaient gratuits auparavant, pour préserver le coefficient d’exploitation
de la banque, qui, de fait, va baisser avec l’arrivée de la CNP. La banque pas comme les autres devient une banque qui leur ressemble de plus en plus.
Le colis s’en sort surtout grâce aux rachats d’entreprises. Si DPD Allemagne survit par l’augmentation des prix, la chute continue en Russie et en Espagne où la direction incrimine l’augmentation du SMIC. Au vu de l’actualité récente de
la sous-traitance, la direction de La Poste devrait regarder de près les entreprises auquel elle confie les colis : entre West Wing qui ne paye pas ses cotisations sociales, un sous-traitant de Chronopost qui licencie des salarié·e·s sans préavis, sans oublier les sans-papiers employés par Derichebourg sur Chronopost Alfortville. La Poste ne sait manifestement pas ce qu’est un plan de vigilance avec ses fournisseurs.
La réflexion sur l’avenir de La Poste ne peut se réduire à un mano à mano entre dirigeants du groupe et actionnaires. Pour SUD PTT, La Poste mérite bien mieux que ce type de rapport ou que la stratégie de désengagement des territoires,
orchestré par les dirigeants du groupe et les actionnaires, dont l’état. Le Pays est en colère, en crise, il a plus que jamais besoin de services publics de proximité, de tiers de confiance, de continuité et d’égalité de traitement, un message que la Cour des Comptes et l’état feraient bien d’entendre.