La direction a présenté les effets de la crise sur l’activité économique de l’entreprise. Par contre rien sur les effets sur le personnel. C’est toujours l’omerta sur la question du nombre de cas de COVID dans l’entreprise alors que nous sommes au contact de ce virus depuis des mois et que nous déplorons des milliers de contaminations ainsi que des morts. Derrière ces impacts se dissimulent des projets pour le futur de l’entreprise publique.
Une dégringolade qui ne mène pas à la catastrophe
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Au vu de la situation, les dégringolades en volumes impactant le Chiffre d’Affaires étaient inévitables. Si les chiffres présentés ci-dessous sont factuels, il ne s’agit pas d’en tirer des conclusions hâtives. La direction se saisit de l’opportunité afin de créer une espèce de consensus autour d’elle pour faire avaler les pilules de prochaines réorganisations, tous secteurs confondus.
Branche courrier Colis
Le courrier est maintenant sur une chute de ses volumes d’environ -40 % ayant connu un pic autour de -60 % la troisième semaine de confinement.
Si les volumes de colis traités par Colissimo ont baissé dans un premier temps, le marché est vite reparti à la hausse. La direction se frotte désormais les mains car le nombre de colis explose et elle envisage une perspective de peak-period (période haute) au moins jusque fin juin, voire juillet. Avec la suppression des intérimaires et des CDDs dans les services (qui ne se résument qu’à des coûts pour la direction) et la focalisation des samedis travaillés sur les colis, la charge de travail va vite devenir insupportable.
Le seul secteur à avoir connu une expansion : la santé à domicile. La direction a surfé sur le confinement obligatoire, en particulier celui des personnes âgées, pour augmenter sa présence sur le terrain de la santé à domicile : environ 17 000 visites par mois depuis le début de la crise pour VSMP (Veillez Sur Mes Parents), représentant une hausse de 40 % du portage des repas pour les seniors. Les tablettes ARDOIZ, commandées par les collectivités territoriales, connaissent la même augmentation.
Enfin « ma ville mon shopping », plateforme de e-commerce pour les boutiques locales, semble également en plein essor.
Branche GEOPOST (colis express)
Depuis plusieurs années, et c’est encore plus vrai ces derniers mois, la direction de GEOPOST mise tout sur le développement à l’international. Ce dernier a pourtant des effets néfastes qui se révèlent à l’aune de cette crise.
Les filiales internationales basent principalement leur activité sur le B2B*. Avec la fermeture des commerces, l’activité a chuté brutalement. Les consommateurs confinés devant des clients internet, une mutation du trafic B2B (entreprise vers entreprise) a eu lieu vers le B2C (entreprise vers clients). Le trafic C2C* a également progressé. Les impacts financiers ne sont pas négligeables, car le B2C et C2C nécessitent de la logistique et un transport plus onéreux. On assiste à une pleine mutation des colis express, où la part des activités en direct vers le client va devenir de plus en plus importante dans les échanges. À noter que les filiales indiennes et d’Afrique du Sud sont en énorme difficulté, car dans ces deux pays le transport n’a pas été jugé comme un secteur indispensable, il n’y a donc plus aucune activité.
On voit bien que les développements internationaux présentés comme essentiels à La Poste provoquent aussi des dégâts en cas de crise majeure. Comme pour le développement sur le marché européen , la question de la quête perpétuelle de nouveaux marchés sur d’autres continents doit être posée.
* B2B business to Business : échange de colis entres entreprises. B2C (Business to Customers) échange de colis des entreprise vers les particuliers et. C2C (customers to Customers) échanges de colis entre particuliers.
Branche réseau
La Poste a annoncé pour les prestations sociales du mois d’avril une diminution de 10 % de retraits aux guichets par rapport à d’habitude (78 % des retraits se sont donc faits au DAB). Les mesures prises par La Poste (augmentation des plafonds de retrait pour certain·es client·es, anticipation de la date de versement), les réouvertures de bureaux dans des conditions sanitaires précaires en pleine crise et les renforts de communication qui les ont accompagnées n’auront pas suffi à entraîner une baisse drastique des opérations au guichet.
La Poste nous présente une baisse de la fréquentation des bureaux et du nombre d’opérations réalisées aux guichets de -60 %, avec un pic à -85% et de -40 % aux DAB. Mais cela provient avant tout de la fermeture de nombreux bureaux de poste. En effet au 30 avril, 5431 Bureaux de Poste étaient ouverts, 4014 Agences Postales Communales et 2225 Relais La Poste. Il ne faudrait pas que la direction en tire des conclusions hâtives, notamment en termes de changement de comportement des usager·es.
De la même façon, le nombre de flux de retraits sur DAB se situait à 40 % des flux habituels au début du confinement et progresse pour atteindre actuellement 56 % avec un parc de DAB en service à 84 % au 24 avril (dont le parc DAB externes à 90 %). Comme pour les bureaux de poste, pas de conclusions hâtives sur ces chiffres surtout qu’en plus, de nombreux DAB ont souffert d’un manque d’approvisionnement, que cela soit dans les zones rurales et dans les quartiers populaires.
L’objectif de la direction, comme dans toutes les branches qui espèrent un retour « à la normale », reste la réouverture de tous les bureaux d’ici fin mai.
La Banque Postale
La Banque Postale a pour l’instant plutôt encaissé le choc par rapport aux autres banques, car elle a moins de clients entreprises que ses concurrentes. C’est un des secteurs qui résiste le mieux à la crise du COVID 19. Les centres financiers sont devenus un des canaux principaux pour les client·es qui utilisent les mails et le téléphone. Ils sont restés ouverts 6 jours sur 7 pendant la crise.
À noter que les présentations des points concernant les centres financiers se font par la directrice de la branche réseau. Est-ce un signe de changement de pilotage dans les prochains mois ?
La Branche Numérique a subi une baisse d’activité de 70 % avec 75 % des personnels de DOCAPOSTE en activités partielles et 100 % à MEDIAPOSTE Communication. Un comble quand même pour cette branche qui devrait porter la dématérialisation. Mais c’est tout le problème du numérique à La Poste qui a l’aspect de la coquille vide qui preste pour les branches et dont le Chiffre d’Affaires de certaines activités va directement dans les poches des autres branches.
Les impacts économiques :
La Poste a connu une baisse assez importante de son REX, mais aussi de sa trésorerie nécessitant d’aller chercher de l’argent en empruntant. Pour chance, la Poste étant une banque bien notée, elle n’a pas eu de difficultés.
Si le volume d’activité a conduit à une chute globale du chiffre d’affaires, les achats de masques et de gels hydro alcooliques en masse ont, parait-il, contribué à ses pertes de liquidités.
Un autre point, le recours accru à la sous-traitance pour le colis, notamment en IDF a fait exploser les charges. En effet, la raréfaction des prestataires a entraîné mécaniquement la hausse du coût de ces prestations, les chauffeurs étant très justement mieux payés. Il faudra donc assez rapidement examiner les conséquences du recours à des prestataires. Nous contestions déjà cette forme d’externalisation du travail des postier·e·s qui était un enfer social (la lutte de sans-papiers utilisés par Chronopost l’a montré récemment), la crise du COVID montre aussi qu’elle a un effet pécuniaire dans un contexte de crise. Mais c’est aussi le cas dans d’autres pays où la raréfaction des chauffeurs entraîne, comme pour l’Allemagne, une hausse des salaires et donc des coûts pour La Poste. Il est grand temps de ré-internaliser ces salarié·e·s.
Mais l’impact principal est bien sûr la chute des volumes.
En premier lieu celui du courrier qui impacte fortement La Poste. En mars, le courrier représente la quasi-totalité de la baisse du Résultat d’Exploitation (REX) de La Poste.
Et les perspectives ne sont pas bonnes pour l’avenir. En juin 2020, La Poste serait juste à l’équilibre pour le REX, bien loin des objectifs qu’elle s’était fixés, le courrier représentant un manque considérable.
Autre inquiétude, la trésorerie du groupe. Une baisse de 50 % en un mois de confinement qui menaçait les paiements des salaires et des factures, obligeant La Poste à recourir à un emprunt.
Face à cela La Poste ne versera pas les dividendes (à hauteur de 500 millions d’euros) aux actionnaires.
Quelles perspectives pour l’avenir ?
Au vu des déclarations et des premières pistes annoncées par le gouvernement, la direction de La Poste va se servir de la crise sanitaire pour mener ses restructurations de manière encore plus rapide.
Lors du conseil d’administration, le président de La Poste a affirmé que l’impact du COVID 19 avait en un mois accéléré de 5 ans les impacts sur le courrier. Il en tire donc les la conclusion qu’il faut accélérer les restructurations dans chaque branche.
La mise en place des nouveaux horaires à la distribution est la première pierre à l’édifice de la future Poste que la direction veut bâtir. Ce qui aura des impacts pour le service public du courrier, car celui-ci ne sera plus distribué 6 jours sur 7. Le samedi, seuls les colis et les recommandés seront distribués.
Côté réseau et services financiers, les évolutions vont vite arriver. Le télétravail qui est en pleine expansion et le confinement ont accentué la volonté du patron de la Banque de faire muter le métier des commerciaux du Réseau vers plus de phoning et de démarchages et en diminuant les face à face. C’est avant tout un nouvel argument pour fermer plus de bureaux et réaliser de plus en plus de rendez-vous à distance.
Au vu des plans de la direction, la question de l’emploi va devenir encore plus aigüe. 100 000 emplois ont été supprimés en un peu plus de dix ans à La Poste. Les suppressions de postes risquent de connaître une accélération brutale, et les services des saignées sans précédent.
Il y a eu quelquefois des décisions plutôt positives pendant cette période : Veiller Sur Mes Parents gratuit (mais dans sa version la plus « light — une visite par semaine), pas de franchise pour l’IARD et l’habitation, examen un peu plus attentif sur les IB, découverts exceptionnels attribués plus largement (mais avec encore des restrictions). Cependant, nous craignons soupçonnons que ces décisions ne soient essentiellement des opérations de communication sans lendemain. Si nous voulons avoir vraiment cette importance sociale que le Président de La Poste affichait partout dans la presse. Nombre de ces mesures devraient être reconduites voire améliorées, comme la mise à disposition gratuite d’un compte avec carte et chéquier gratuitement pour l’ensemble de la population.
Si le service public postal n’a plus à prouver son utilité, la crise sanitaire a mis en relief son aspect central et essentiel pour la population. Le « régime dégradé » mis en place par le groupe pendant plusieurs semaines a provoqué des réactions virulentes des usagers et des élus locaux. Cela souligne que la présence postale est un élément essentiel du maillage territorial. Il s’agira de ne pas l’oublier lors de la mise en place d’une cinquième branche du service public postal (la prise en charge de la dépendance) et des discussions sur son financement.