Newsletter CA février 2025
La direction de la Poste a présenté l’arrêté des comptes 2024 lors du dernier conseil d’administration de février.
Les bénéfices ont explosé cette année, notamment par la vente de La Poste Telecom et d’une filiale italienne de la CNP (quasiment la moitié du résultat net). Nos patrons voudraient nous faire croire que c’est la récompense d’une stratégie développée depuis l’arrivée de la CNP dans le groupe (la fameuse opération Mandarine). C’est quand même tordre une réalité un peu plus compliquée. Ce qui est sûr, c’est que nos dirigeants ont bien intégrés le schéma capitaliste.
Des résultats peu convaincants
Les chiffres pourraient être trompeurs en les enchainant :
1410 millions de résultats nets : +46 % par rapport à 2023
34569 millions de chiffre d’affaires : +1,43 %/2023
10601 millions de dettes : - 11,63 %/2023
Les investissements ont diminué de 25 % sur l’ensemble du groupe
Le communiqué de La Poste peut claironner mais si le résultat net a augmenté de 46 %, l’évolution hors événements importants (vente ou achat de filiale, dépréciation d’actif, etc.) n’est que de 5 %, soit 26 millions d’euros sur les 900 M de croissance.
Si on prend branche par branche c’est encore plus parlant :
BSCC
Le trafic du colis, en hausse de 4,9 %, ne parvient pas à compenser la chute de 8 % du courrier. Si le chiffre d’affaires croît, le résultat d’exploitation de la branche est toujours négatif (-63 millions d’euros). Les investissements au courrier ont baissé de quasiment 20 %.
GEOPOST
Si le trafic du colis express a augmenté de 2,3 % avec un chiffre d’affaires en hausse de 0,7 %, les résultats sont à la baisse de 3 % majoritairement dû à de mauvais résultats de filiales à l’étranger. Les investissements, quant à eux, ont décru de 14 %.
BGPN
Du côté de la BGPN le chiffre d’affaires stagne, mais le résultat d’exploitation augmente de 155 %. Ceci est avant tout dû à la baisse de ce que nos patrons appellent les charges. Ainsi, celles représentant le personnel ont baissé de 4 %, (non remplacement ou suppressions de poste). À noter que la direction a fermé 155 bureaux de poste, soit plus de 2 % des bureaux existants. Elle s’était pourtant fixée un objectif beaucoup plus important. Comme pour les autres branches, les investissements ont baissé… de 30 %.
La banque Postale
Le résultat net du groupe LBP a augmenté de 19 % et le Produit Net Bancaire (CA) de 4 %. Même si’il reste négatif , le Résultat de la banque est en hausse de 28 %, celui de la CNP de 2 %. Les investissements ont baissé quant à eux de 14 %.
Les enseignements à tirer de ces chiffres
Le groupe reste extrêmement dépendant de La Banque Postale ; ses bénéfices constituent 85 % des résultats de La poste. Pire, la CNP dégage plus de profit que le groupe.
La direction en tire une conclusion : l’opération Mandarine était donc nécessaire.
Si on se place d’un point de vue capitaliste, elle a raison. Par contre, dans l’optique d’une entreprise au service du public et de ces salarié·e•s, c’est autre chose.
Les diversifications dans la santé, les achats ou participation dans des filiales à l’étranger, plombent les comptes pour 250 millions d’euros. Cela pose la question des investissements tous azimut du groupe alors que les pistes susceptibles de développer des solutions de service public répondant aux besoins ne sont jamais étudiées.
Concernant la "croissance externe" souvenons-nous des amendes infligées à BRT en Italie l’année dernière dûes à des collusions des sous-traitants avec la mafia et les dépréciations de la filiale DPD Russie suite au conflit russo-ukrainien. Avec l’échec de Ma French Bank et de Stuart, l’addition est montée autour de 700 M€ de pertes.
Bref la stratégie de la boite bat clairement de l’aile, ce n’est pas SUD PTT qui le dit mais la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations fin 2023 dans une délibération sur La Poste : "En conclusion, la Commission de surveillance considère que la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le groupe La Poste résulte de dysfonctionnements majeurs des process de gouvernance sur toute la chaîne de commandement. Cette situation constitue actuellement et pour les années à venir le point d’attention majeur pour l’ensemble de la gouvernance du groupe CDC (direction générale et Commission de surveillance)."
Autre actualité brûlante qui plombe les comptes : les compensations des missions de service public.
Ne négligeons pas non plus les conséquences des missions de service public sur les comptes de l’entreprise. Leur exercice ont un impact négatif de 900 millions d’euros en 2023 sur le résultat de l’entreprise et risquent d’être du même ordre en 2024. Elles sont compensées par l’état, mais pas au niveau de leur coût. Cela met une pression importante sur la qualité de service public, mais aussi sur les postier·e·s, notamment par la suppression d’emplois dans toutes les branches et la réduction du nombre de bureaux de poste. La direction s’appuie largement là-dessus pour réorganiser les services (introduction de la NGC au courrier, réorganisation des services financiers, par exemple).
SUD PTT demeure fidèle au service public. Pour cela, les missions doivent être compensées à l’euro près, mais pas n’importe comment. Hors de question que tout cela reste à la charge des seuls contribuables, des communes et des personnels quand, par exemple, les grands groupes de presse ou les banques profitent du système. Les discussions autour de la nouvelle loi postale sur le contrat entreprise vont être d’actualité. Les grands groupes capitalistes doivent urgemment participer à cet effort de financement des services publics.
1 410 millions d’euros de bénéfices en 2024, pour quoi faire ?
Les résultats de l’année devraient avant tout servir au service public et aux postier·e·s. Or, on est loin du compte.
Alors, évidemment, chacun•e touchera un intéressement de 700 euros à La Poste maison mère (pendant que les salarié·e·s de la banque postale frôleront plusieurs milliers d’euros), mais comment expliquer que l’on ait touché 500 euros en 2024 pour 514 millions d’euros de résultat et seulement 733 euros en 2025 pour 1410 millions. Mathématiquement, on aurait pu s’attendre à recevoir plus de 1000 euros…
Cela s’explique aussi par l’accord assez pourri qui a été signé, histoire de ne pas faire cracher les patrons pour leur demander plus d’argent. Le même raisonnement conduit à des propositions au rabais pour les NAO : une augmentation d’à peine 1 % soit entre 14 et 25 euros pour de personnels d’exécution.
On rappellera que depuis 2019 l’inflation cumulée a été supérieure à 15 % alors que le cumul des NAO arrive à peine à 8% pour les classes I à III, ce sont plus de 2000€ de perte de pouvoir d’achat moyen.
On ne boudera pas cette somme, mais souvenons-nous quand même que, suite au COVID, on s’était retrouvé avec un intéressement à zéro euro alors que les résultats du groupe dépassaient les 2 milliards d’€ avec l’intégration de la CNP. Mieux vaut toucher des augmentations de salaire pérennes qu’une prime qui peut disparaître du jour au lendemain.
Un nouveau patron et alors ?
Petite cerise sur le gâteau, un nouveau patron sera désigné avant juin 2025 pour remplacer Philippe Whal. Et on sent que le petit monde politico-financier s’agite un peu autour de cette nomination, certains syndicats ayant même donné leur préférence pour le/la nouveau·elle président·e.
Pour SUD PTT, la question est surtout de savoir si le/la nouveau·elle président·e pèsera pour changer la stratégie du groupe et pas de savoir si cela sera un copain de Macron, un proche d’Éric Lombard, ancien patron de la CDC et actuel ministre de l’Économie ou une femme. Pour SUD PTT, une seule consigne : le service public, les salaires et les conditions de travail (c’est un tout..) doivent conditionner la stratégie de La Poste.