Service public à La Poste : Vers une mutation profonde ?
Alors que les discussions continuent entre les actionnaires sur la prochaine l’opération CDC/CNP, la question du service public postal est au cœur des débats. Nouveau contrat de présence territoriale, nouveaux services de proximité humaine et discussions sur les compétences exclusives* du futur actionnaire majoritaire de la CDC. Ce sera l’enjeu de demain pour l’entreprise, qui impactera avant tout les salarié·e·s et les usager·es
*Les discussions portent sur les décisions que pourraient prendre la CDC sans droit de regard ou veto de l’état
Contrat de présence territoriale : des enjeux essentiels
Depuis le début de l’année, La Poste a entamé des discussions autour du nouveau contrat de présence territoriale qui devrait débuter en 2020.
Ce contrat, dans une période où la population, que ce soit dans les manifestations des gilets jaunes ou dans le Grand Débat, porte la question des services publics comme essentielle pour résoudre la fracture territoriale. Le Premier ministre a d’ailleurs mis La Poste en avant dans les solutions pouvant être apportées.
La Poste a décidé de changer de méthodes, en demandant aux membres des CDPPT (Commission Départementale de Présence Postale Territoriale) les souhaits sur les actions à mener pour améliorer le contrat. Ce changement de méthode aurait pu être bénéfique, mais il reste les grands oubliés dans la « négociation » de ce contrat : les syndicats, les usager·e·s et les postier·e·s qui contribuent chaque jour à maintenir le service public. Autre point qui n’est pas satisfaisant, le fait que les axes prioritaires soient actés au niveau régional et pas au niveau départemental. La question de cette présence doit être débattue et tranchée au plus près du terrain. Dans ce cadre, nous pensons que les communes ont également leur mot à dire.
Les premiers axes déterminés montrent aussi que des problèmes que nous évoquons depuis longtemps font surface, comme le manque de diversité des opérations financières dans les APC ou le manque d’accès au cash dans les zones rurales. Les banques se désinvestissent de plus en plus ne permettant pas à la population de pouvoir accéder à ce service essentiel. Alors que les premières pistes de réflexion se dirigent vers un système de cash back chez les commerçants ou une gestion partagée financièrement avec les collectivités locales, la question d’un pôle public financier est nécessaire et pas seulement pour les collectivités locales. Et ce n’est sûrement pas celui envisagé dans le cadre du rapprochement avec la CDC qui convient puisqu’il oublie les particuliers.
Il faut donc que La Poste en tant qu’entreprise publique apporte des réponses et les actionnaires, tout particulièrement l’état ont une responsabilité.
Les missions de services publics exercées par La Poste doivent être entièrement compensées et l’enveloppe pour ce contrat ne soit pas être corsetée. Elle doit pouvoir s’adapter aux besoins. En effet, pour 2018, alors que les dépenses de l’entreprise ont atteint 203 millions d’euros l’enveloppe de compensation n’est que de 174 millions. À force de la diminuer, on pourrait craindre un abandon encore plus important de ces missions. En matière de service public, la Poste n’a pas à faire de choix et les actionnaires et plus particulièrement l’État doivent y mettre les moyens.
Enfin, alors que l’enveloppe prévue dans le cadre du contrat devrait servir au maintien et à l’amélioration du service public cette dernière sert également aux « transformations » de bureaux de poste de plein exercice en APC (Agence Postale Communale) ou RPC (Relais Poste Commerçant). En clair, une partie de l’argent sert à la fermeture d’un bureau de poste de plein exercice !
Aucun bureau de poste ne doit être fermé. SUD PTT demande un moratoire sur la fermeture des bureaux, les élu·e·s au CA soutiennent cette démarche et l’ont réaffirmé lors du dernier conseil d’administration.
Le contrat de présence postale sera présenté lors du deuxième semestre 2020. Les enjeux actuels, et notamment la revendication de plus de services publics, demande une attention particulière. Dans ce cadre, l’état, en tant qu’actionnaire peut demander plus à La Poste, mais il ne faudra pas qu’il oublie de mettre les moyens financiers et humains correspondants.
« Nouveaux services de proximité humaine » : le nouvel eldorado de La Poste ?
Depuis quelques années, La Poste a mis en place de nouveaux services pour soi-disant pallier à la baisse du courrier. Loin d’être une solution pour trouver de l’activité aux facteurs/trices, La Poste s’ouvre bien vers de nouveaux métiers et un nouveau modèle économique : la plus grande entreprise de services de proximité. Du coup, les questions autour des missions de service public de l’entreprise se posent crûment.
Les "nouveaux services" c’est quoi ?
Dire que La Poste a tâtonné pendant des années serait un doux euphémisme. On se souvient encore de ce fameux service qui consistait à aller promener le chien des usager·e·s. Aujourd’hui, il semblerait qu’elle ait enfin déterminé ce qu’elle considère comme son palliatif à « la baisse du courrier » :
La question de la silver économie et de la santé
1100 emplois sont concernés sur le groupe, dont 20 dans la Branche courrier en 2018
La transition écologique
80 emplois de facteurs concernés et 150 emplois dans le groupe
La transition dans les territoires
610 emplois concernés en 2018
Dans ces trois domaines, La Poste est passée de 22 millions de Chiffres d’affaires en 2015 à 252 millions en 2018. Si l’augmentation semble assez vertigineuse, en quatre ans, elle s’est faite principalement par des acquisitions d’entreprises et reste une portion congrue par rapport au Chiffre d’Affaires du Groupe et même de la BSCC (1 % du CA du groupe et 2 % de celui de la branche courrier). En suivant la même trajectoire, cela constituerait entre 3 et 4 % du Chiffre d’Affaires du Groupe à l’horizon 2023.
Aucun impact sur la maison mère ou très peu
Alors que depuis des années la direction annonce à grand renfort de communication que les nouveaux services seront la solution pour sauvegarder les emplois des facteurs, la réalité est beaucoup plus sombre…
Pas d’emplois ou peu
En réalité, en 2018, un peu plus de 35 % des emplois concernant ces nouveaux services sont exercés par des facteurs/trices. Dans le plan de marche de La Poste pour 2023, celle-ci en prévoit moins de 30 % exercés dans ce domaine par des facteurs/trices issus directement de la branche courrier colis. Pour comparer, La Poste a prévu la création potentielle de trois à quatre fois plus d’emplois d’ici 2023 dans la BSCC en lien avec l’explosion du e-commerce.
Lors de leur mise en place, il avait été indiqué que les nouveaux services pourraient sauver les emplois des facteurs/trices. Désormais, La Poste assume clairement une nouvelle position (ou la même qu’elle voulait dissimuler) : ces nouveaux services ne sont en aucun cas créés pour pallier les disparitions d’emplois liés à la baisse du courrier. Dans l’esprit de la direction, mais aussi des actionnaires, il s’agit avant tout de chercher de nouvelles sources de chiffre d’affaire et de REX. La Poste ambitionne 1 milliard d’euros de Chiffre d’Affaire en 2023.
Et le services public là dedans ?
La question du remplacement par les nouveaux services des activités traditionnelles des facteurs/trices est donc devenue une question annexe. A horizon 2023, cette activité représentera à peu près 10 % du volume des emplois à la distribution. Nous ne sommes plus du tout dans la mutation prévue des activités des facteurs à moyen terme : d’un métier actuel s’articulant principalement autour du courrier dont la direction programme la mort, vers un métier principalement centré autour du colis avec une portion congrue de facteurs/trices [FSE] s’occupant des nouveaux services*.
Sur les nouveaux services, au vu de leur contenu il y a un impact réel sur le service public : santé, écologie et aménagement du territoire… La question du service public postal et de son évolution est un incontournable
* Le Président de La Poste a bien insisté lors de la présentation sur le fait que la signature de l’accord distribution a permis cette évolution.
Que vient faire la SFIL (Société de Financement Local) dans le giron de la CDC (Caisse des Dépôts et Consignations) ?
Depuis quelques mois, l’annonce du rachat de la SFIL par la CDC fait le sujet d’articles multiples que ce soit dans la gazette des communes ou dans les journaux économiques.
Détenue à 75 % par l’État, à 20 % par la CDC et à 5 % par la Banque Postale, des discussions sont en cours entre l’Agence des Participations de l’État (APE) et la CDC. Cette opération devrait se faire au même moment que la montée en capital de la CDC dans celui du Groupe La Poste.
Pour rappel, la SFIL a été créée suite au naufrage de DEXIA (Banque offrant des offres de prêts essentiellement aux collectivités locales) et a donc récupérée l’ensemble des emprunts toxiques.
Même si les encours toxiques ont été réduits de 92 % (ce qui veut d’ailleurs dire qu’il en demeure 8%...), la question de la concentration des risques de la CDC se pose. Autre problème, le bilan de la SFIL va peser pour près d’un tiers dans celui de la CDC. Or, pour justifier de la montée de la CDC dans le capital de La Poste, les actionnaires et le gouvernement se sont appuyés sur la capacité de la Caisse à débloquer des fonds propres pour La Poste ; le « rachat » de la SFIL/CAFIL risque de mettre à mal les arguments du projet pharaonique initié l’année dernière. D’autant plus que la rentabilité de la SFIL et ses résultats 2018 sont très très loin d’être satisfaisants.
La question de la place de la CDC et par ricochet de La Poste dans le maintien du service public est donc en jeu.
Au fur et à mesure des projets qui s’empilent, ce qui s’esquisse, c’est un désengagement direct de l’État dans ses missions de service public, sous prétexte de baisse des dépenses publiques, la CDC devenant une sorte de boite fourre-tout. Sauf que le passé l’a prouvé, la CDC est aussi un organe qui demande à ses personnels et à ceux de ses filiales des rentabilités de plus en plus importantes. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que, récemment, le premier plan de rupture conventionnelle pour les fonctionnaires a été mis en place à la Caisse...